20 févr. 2013

Tchoôl !, entrée en matière


Avec Tchoôl !, à paraître dans les prochaines semaines dans la collection Lgo, se clôt la "trilogie cambodgienne" de Christophe Macquet, dont Cri & co et KBACH, également publiés par Le Grand Os, constituent les deux autres volumes. L'auteur en a-t-il fini pour autant avec le pays khmer, où il a vécu dix ans ? En 2006, notre baroudeur a troqué l'Asie pour l'Amérique du Sud, faisant de Buenos Aires son nouveau port d'attache. C'est de là qu'il nous fit parvenir en 2011 un Luna Western (Paradiso ediciones) tout ce qu'il y a de plus argentinesque et, à sa façon — c'est-à-dire réellement — borgésien. 

Christophe Macquet. La Leona, Patagonie, janvier 2013

Mais revenons à Tchoôl ! (en khmer : "entrer, pénétrer, à l'attaque…"). Où l'on retrouve Avine, le double géant et roux du narrateur, à son arrivée (son "entrée") en terre asiatique… Sur une durée narrative de quelques heures, quelques jours au plus, le récit s'enroule et concentre en lui — dans une prose déroutante de fluidité et de mystère, précise, complexe, vibrante comme une dentelle organique — plus d'une décennie d'expériences et de sensations futures… Où l'on détricote un passé boulonnais soudain mis à distance par "le vol MH493"… Où l'on accompagne Avine qui "lâche dans l'étang son dernier colombin français" pour mieux se retrouver dans l'ombre, à son tour, de son double installé


Une première version du texte a paru en deux livraisons dans la revue La Main de Singe en 2005, sous le titre "La réincarnation des amibes" et la signature de Christophe Antara, alias Macquet.

Nous donnons ci-dessous les premières pages de ce retour sur des premiers pas en étrangeté, premiers frottements avec les figures, couleurs, sons, sens, rythmes de la ville cambodgienne et d'un soi transporté en territoire inconnu, donc pénétrable. Tchoôl ! À l'attaque ! 
 
Photo : Christophe Macquet, 2005


Tchoôl ! (extrait)  



 


Avine en avion

le vol MH493

en classe économique

en musoir avancé

la pluie qui tombe

la pluie qui tombe

en mythobézoarchibermiphiscoté sous quinzaine
 
Avine

il a froid

il est grand

la pluie qui tombe

il est trop grand

ses genoux lui rabotent les mâchoires, sous la casquette, un visage sans viande, un œil à travers le hublot, il voit les parcelles de la France, bien ordonnée, comme au fond de la mer, sous les nuages, une oreille à l’affût, toujours la plainte des Lulutes à Jésus Flageolet

guesh thorkeyrig xùa curyé
huigneu ma lingueu ross’
et raide !

l’autre œil
 

l’hôtesse malaise a le chignon des nuits

une cicatrice brune, enfouie sous le duvet de la nuque, les hanches suffisamment larges, Avine a mal au dos, il reste au moins douze heures, le bourdon des Lulutes va s’apaiser, j’espère, s’aboliront dans la terre étrangère, le miel à l’entrejambe

l’hôtesse et l’abeille inouïe

priyush hüé pel appaj mù
zavé min tien galand Macquet
et raide !

dans l’autre oreille

Avine entend la pluie qui tombe sur le phare de la Horce, sur le gothique Saint-Greval, dans les oyats de la dune surplombant le schorre (dans les oyats de la dune surplombant le schorre), dans les douves où la mousse se remémore encore
 
piùrey mà dip olax holboq
ça la baldec à la croix lauf’
et raide !

c’est un voyage sentimental et plein de .... qui sifllent

Avine a du courage, Avine a mille euros sur un compte

il sait qu’il n’a plus rien à perdre depuis qu’il ne lit plus les livres, depuis que Teresa baise avec le gros Charles, depuis que Pépé Jean-Baptiste a cassé sa pipe à Alprech

hora zap gùl dayang kaou
croupi meu din l’tir fond
et raide !

c’est le chien de Matante, Tino, qui l’a mis sur la piste

un teckel à poils durs
 

rogue et teigneux en diable

c’était à deux heures du matin, les maîtres étaient couchés, il a compris dans son œil (l’œil du pauvre basset), à sa respiration patiente…, qu’il fallait partir au plus vite, Tino, le terrible secret quand les maîtres s’endorment, la lune évanouie, les mouches qui crépitent sur le sol, le vent stupide, le pin des Landes qui gigote au bout du jardin, et cet Avine, ce grand benêt d’Avine, qui ne veut pas dormir

(…) "

17 févr. 2013

Lecture de Huilo Ruales Hualca

Retour en images sur la rencontre avec Huilo Ruales Hualca et ses invités, le 2 février dernier dans les salons du Grand Os. Merci à tous les participants et particulièrement à Eric Poirette pour ses photographies.