Avec Tchoôl !, à paraître dans les prochaines semaines dans la collection Lgo, se clôt la "trilogie cambodgienne" de Christophe Macquet, dont Cri & co et KBACH, également publiés par Le Grand Os, constituent les deux autres volumes. L'auteur en a-t-il fini pour autant avec le pays khmer, où il a vécu dix ans ? En 2006, notre baroudeur a troqué l'Asie pour l'Amérique du Sud, faisant de Buenos Aires son nouveau port d'attache. C'est de là qu'il nous fit parvenir en 2011 un Luna Western (Paradiso ediciones) tout ce qu'il y a de plus argentinesque et, à sa façon — c'est-à-dire réellement — borgésien.
Christophe Macquet. La Leona, Patagonie, janvier 2013 |
Mais revenons à Tchoôl ! (en khmer : "entrer, pénétrer, à l'attaque…"). Où l'on retrouve Avine, le double géant et roux du narrateur, à son arrivée (son "entrée") en terre asiatique… Sur une durée narrative de quelques heures, quelques jours au plus, le récit s'enroule et concentre en lui — dans une prose déroutante de fluidité et de mystère, précise, complexe, vibrante comme une dentelle organique — plus d'une décennie d'expériences et de sensations futures… Où l'on détricote un passé boulonnais soudain mis à distance par "le vol MH493"… Où l'on accompagne Avine qui "lâche dans l'étang son dernier colombin français" pour mieux se retrouver dans l'ombre, à son tour, de son double installé…
Une première version du texte a paru en deux livraisons dans la revue La Main de Singe en 2005, sous le titre "La réincarnation des amibes" et la signature de Christophe Antara, alias Macquet.
Nous donnons ci-dessous les premières pages de ce retour sur des premiers pas en étrangeté, premiers frottements avec les figures, couleurs, sons, sens, rythmes de la ville cambodgienne et d'un soi transporté en territoire inconnu, donc pénétrable. Tchoôl ! À l'attaque !
Nous donnons ci-dessous les premières pages de ce retour sur des premiers pas en étrangeté, premiers frottements avec les figures, couleurs, sons, sens, rythmes de la ville cambodgienne et d'un soi transporté en territoire inconnu, donc pénétrable. Tchoôl ! À l'attaque !
Photo : Christophe Macquet, 2005 |
" Tchoôl ! (extrait)
I
Avine en avion
le vol MH493
en classe économique
en musoir avancé
la pluie qui tombe
la pluie qui tombe
en mythobézoarchibermiphiscoté sous quinzaine
le vol MH493
en classe économique
en musoir avancé
la pluie qui tombe
la pluie qui tombe
en mythobézoarchibermiphiscoté sous quinzaine
Avine
il a froid
il est grand
la pluie qui tombe
il est trop grand
ses genoux lui rabotent les mâchoires, sous la casquette, un visage sans viande, un œil à travers le hublot, il voit les parcelles de la France, bien ordonnée, comme au fond de la mer, sous les nuages, une oreille à l’affût, toujours la plainte des Lulutes à Jésus Flageolet
guesh thorkeyrig xùa curyé
huigneu ma lingueu ross’
et raide !
l’autre œil
l’hôtesse malaise a le chignon des nuits
une cicatrice brune, enfouie sous le duvet de la nuque, les hanches suffisamment larges, Avine a mal au dos, il reste au moins douze heures, le bourdon des Lulutes va s’apaiser, j’espère, s’aboliront dans la terre étrangère, le miel à l’entrejambe
l’hôtesse et l’abeille inouïe
priyush hüé pel appaj mù
zavé min tien galand Macquet
et raide !
dans l’autre oreille
Avine entend la pluie qui tombe sur le phare de la Horce, sur le gothique Saint-Greval, dans les oyats de la dune surplombant le schorre (dans les oyats de la dune surplombant le schorre), dans les douves où la mousse se remémore encore
il a froid
il est grand
la pluie qui tombe
il est trop grand
ses genoux lui rabotent les mâchoires, sous la casquette, un visage sans viande, un œil à travers le hublot, il voit les parcelles de la France, bien ordonnée, comme au fond de la mer, sous les nuages, une oreille à l’affût, toujours la plainte des Lulutes à Jésus Flageolet
guesh thorkeyrig xùa curyé
huigneu ma lingueu ross’
et raide !
l’autre œil
l’hôtesse malaise a le chignon des nuits
une cicatrice brune, enfouie sous le duvet de la nuque, les hanches suffisamment larges, Avine a mal au dos, il reste au moins douze heures, le bourdon des Lulutes va s’apaiser, j’espère, s’aboliront dans la terre étrangère, le miel à l’entrejambe
l’hôtesse et l’abeille inouïe
priyush hüé pel appaj mù
zavé min tien galand Macquet
et raide !
dans l’autre oreille
Avine entend la pluie qui tombe sur le phare de la Horce, sur le gothique Saint-Greval, dans les oyats de la dune surplombant le schorre (dans les oyats de la dune surplombant le schorre), dans les douves où la mousse se remémore encore
piùrey mà dip olax holboq
ça la baldec à la croix lauf’
et raide !
c’est un voyage sentimental et plein de .... qui sifllent
Avine a du courage, Avine a mille euros sur un compte
il sait qu’il n’a plus rien à perdre depuis qu’il ne lit plus les livres, depuis que Teresa baise avec le gros Charles, depuis que Pépé Jean-Baptiste a cassé sa pipe à Alprech
hora zap gùl dayang kaou
croupi meu din l’tir fond
et raide !
c’est le chien de Matante, Tino, qui l’a mis sur la piste
un teckel à poils durs
rogue et teigneux en diable
c’était à deux heures du matin, les maîtres étaient couchés, il a compris dans son œil (l’œil du pauvre basset), à sa respiration patiente…, qu’il fallait partir au plus vite, Tino, le terrible secret quand les maîtres s’endorment, la lune évanouie, les mouches qui crépitent sur le sol, le vent stupide, le pin des Landes qui gigote au bout du jardin, et cet Avine, ce grand benêt d’Avine, qui ne veut pas dormir
ça la baldec à la croix lauf’
et raide !
c’est un voyage sentimental et plein de .... qui sifllent
Avine a du courage, Avine a mille euros sur un compte
il sait qu’il n’a plus rien à perdre depuis qu’il ne lit plus les livres, depuis que Teresa baise avec le gros Charles, depuis que Pépé Jean-Baptiste a cassé sa pipe à Alprech
hora zap gùl dayang kaou
croupi meu din l’tir fond
et raide !
c’est le chien de Matante, Tino, qui l’a mis sur la piste
un teckel à poils durs
rogue et teigneux en diable
c’était à deux heures du matin, les maîtres étaient couchés, il a compris dans son œil (l’œil du pauvre basset), à sa respiration patiente…, qu’il fallait partir au plus vite, Tino, le terrible secret quand les maîtres s’endorment, la lune évanouie, les mouches qui crépitent sur le sol, le vent stupide, le pin des Landes qui gigote au bout du jardin, et cet Avine, ce grand benêt d’Avine, qui ne veut pas dormir
(…) "