« Souviens-toi du jour où tu crevas la toile et fus pris vivant, fixé sur place dans le vacarme de vacarmes des roues de roues tournant sans tourner, toi dedans, happé toujours par le même moment immobile, répété, répété, et le temps ne faisait qu’un tour, tout tournait en trois sens innombrables, le temps se bouclait à rebours, – et les yeux de chair ne voyaient qu’un rêve, il n’existait que le silence dévorant, les mots étaient des peaux séchées, et le bruit, le oui, le bruit, le non, le hurlement visible et noir de la machine te niait, – le cri silencieux « je suis » que l’os entend, dont la pierre meurt, dont croit mourir ce qui ne fut jamais, – et tu ne renaissais à chaque instant que pour être nié par le grand cercle sans bornes, tout pur, tout centre, pur sauf toi. »
René Daumal, Mémorables
« Car l’Oiseau ne connaissait pas la joie de se limiter à l’individu ; il ne demeurait point en un seul endroit : il voulait planer, dans son vol, au-dessus de tous les endroits. Et les formes des attitudes de Selvaggia furent jetées au creuset des formes, avec tous les mouvements des bêtes, et les lignes des plantes et des pierres, et les rais de la lumière, et les ondulations des vapeurs terrestres et des vagues de la mer. Et sans se souvenir de Selvaggia, Ucello paraissait demeurer éternellement penché sur le creuset des formes. »
Marcel Schwob, Vies imaginaires
Dans un peu plus d'un mois paraîtra L'oiseau : récit physique de Christophe Macquet, un livre "muet" – autrement dit : sans texte – constitué de 82 photographies couleurs réalisées en différents endroits du monde, principalement en Amérique du Sud, entre 2005 et 2012.
René Daumal, Mémorables
« Car l’Oiseau ne connaissait pas la joie de se limiter à l’individu ; il ne demeurait point en un seul endroit : il voulait planer, dans son vol, au-dessus de tous les endroits. Et les formes des attitudes de Selvaggia furent jetées au creuset des formes, avec tous les mouvements des bêtes, et les lignes des plantes et des pierres, et les rais de la lumière, et les ondulations des vapeurs terrestres et des vagues de la mer. Et sans se souvenir de Selvaggia, Ucello paraissait demeurer éternellement penché sur le creuset des formes. »
Marcel Schwob, Vies imaginaires
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Dans un peu plus d'un mois paraîtra L'oiseau : récit physique de Christophe Macquet, un livre "muet" – autrement dit : sans texte – constitué de 82 photographies couleurs réalisées en différents endroits du monde, principalement en Amérique du Sud, entre 2005 et 2012.
Imprimé à 100 exemplaires seulement, tous numérotés, sur papier couché demi-mat 150 g, sous couverture cartonnée, pelliculage mat, format à l'italienne 26 x 20 cm.
En attendant le plaisir d'avoir le livre entre les mains et les images sous les yeux, on patientera avec ces quelques lignes de l'écrivain Xavier Boissel extraites de son article Le silence de l'oiseau consacré aux photographies de Christophe Macquet et paru sur le site D-Fiction :
" (...) il n’est pas question ici d’un « carnet de voyages », de vignettes exotiques prêtes à consommer, bien au contraire ; qu’importent les distances parcourues, l’auteur est un voyageur arrêté ; il semble avoir fait sien l’apophtegme d’Henri Michaux : « On trouve aussi bien sa vérité en regardant quarante-huit heures une quelconque tapisserie de mur ». Il n’est pas, qui plus est, à proprement parler un « photographe ». C’est l’écriture qui mobilise en premier lieu Christophe Macquet depuis plus d’un quart de siècle, avec ses heurts, ses refus, ses disparitions ; la photographie est chez lui une pratique plus récente, mais y voir le signe d’une forme de dilettantisme serait trompeur. Loin d’être périphérique, surplus de toute une énergie verbale, elle en est bien plutôt musicalement (silencieusement) le contrepoint. Ponctuation visuelle, partition qui éclaire à front renversé le cortège des mots qu’il ne cesse de remâcher, ce cratère de la langue au bord duquel il se tient, en équilibre précaire, depuis l’enfance ; peut-être est-elle aussi une autre manière de ne pas écrire, de se déployer avec violence « contre l’écriture », sans toutefois signifier qu’elle viendrait divertir un manque, effacer l’éventuel échec d’une entreprise scripturaire. (...) Christophe Macquet est avant tout un poète, et c’est à l’évidence en cette qualité qu’il a abordé le medium photographique. Il prend des photographies comme il creuse des phrases. Le monde est un abcès qu’il faut crever, une sanie en attente d’une hypothétique suture qui le rendrait enfin tel qu’en lui-même, dans sa beauté primitive et brutale : des mots – et des images. Le registre du visible, tel qu’il s’exhibe dans ces photographies est celui de la blessure, qui rattache. L’œil de l’opérateur caresse la chair du monde : œil-attouchement, qui cicatrise et qui embaume. "
Xavier Boissel - Lire l'article complet
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Christophe Macquet est né à Boulogne-sur-Mer en 1968. Il poursuit en silence un travail littéraire et photographique inclassable. Il a publié Poids Mouche, en collaboration avec John Vink (Ed. du Mékong, Cambodge, 2006), Cri & Co, Kbach, Tchoôl ! (Le Grand Os, 2008, 2012, 2013), Luna Western, Desde Luna Western (Paradiso Ediciones, Argentine, 2011, 2013) et Sélénogrammes de la solitude Avine (Actual Art, Arménie, 2013).
Il tient un blog – Obscures – où il publie certaines de ses créations photographiques.
Il tient un blog – Obscures – où il publie certaines de ses créations photographiques.
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