© Gaël Bonnefon |
« (…) GRAND FLASH par-dessus les toits depuis les trottoirs jusqu’aux culs d’énormes cumulus accrochés aux toits des usines et alors – je les vois qui se penchent sur mon cercueil tels les anges picaresques de la désolation punk : toutes ces têtes cramées qui peuplèrent mon monde avant la chute du mur de Berlin – ils me rendent visite en procession et soufflent en chœur des paroles étranges à mes tympans malades – de toute évidence je suis mort d’une otite pendant mon sommeil – à leur tête Maurice se penche sur moi – son vrai nom c’est Cédric – la dernière fois que je l’ai vu il était croque-mort et portait un costard trop grand – c’était à l’enterrement de mon grand-père, il portait le cercueil alors qu’à l’époque du collège il avait ce truc éclipse totale des genres qu’il mêlait avec un franc mauvais goût : veste kaki cloutée à son pseudo par-dessus un maillot de foot rouge et vert aux couleurs de la ville un bas de jogging bleu ciel et des santiags noir et or ; penché sur moi il m’apprend que sa mère, militante communiste, est morte dans une collision avec un camion-citerne alors qu’elle remontait l’autoroute à l’envers dans sa voiture sans permis et le voici de nouveau en costard – son visage affichant toutes les contractions hypocrites des ouvriers du deuil…
je suis bien deux mètres sous terre, par-dessus l’horizon n’est qu’un rectangle de boue découpé dans un ciel étoilé quand j’aperçois un grand navire au loin sur la Meuse chargé de tous nos morts. Un jour peut-être qu’ils se réincarneront en buissons et le soir même prendront feu et les gaz de tous leurs corps décomposés recomposés parleront la langue de l’éphémère dans un grand pschitt instantané comme l’éclair ou un pétard mouillé dans la nuit de l’Être. Au seuil nihiliste d’un grand cauchemar qui commence… je parle cette drôle de langue et Maurice qui opine de sa tête préraphaélite, l’air songeur…
des drôles très solides – le monde glisse entre les mains des anges de la désolation punk par mottes de boue sur mon cercueil et je les regarde partir des canettes à la main – ils se déhanchent comme des épileptiques en se frappant la tête avec de vieux vinyles… Nous avions seuls la clef de ces parades sauvages. Christelle se colle du rouge à lèvres autour des yeux – Jimmy s’accroche des centaines de cadenas à la ceinture – Annabelle un chiffon imbibé de K2R sur le bas du visage cligne à toute vitesse des paupières dans ma direction – Marc a les pupilles dilatées à la taille de boules de billard et couve un affreux rictus de gosse fou – Fresse jongle avec des haches à découper les poulets en crachant du feu – Maurice assène des coups de poing stroboscopiques au vide – Bastos se perce les oreilles avec des aiguilles à tricoter – Isabelle conduit en état d’ivresse dans un décor de cambrousse et de carcasses de tracteurs plantées en bord d’une route pleine de chats dégoulinant d’huile de moteur et d’insectes affairés à la copulation ou la ponte – nous nous rendons tous les deux dans un bar de village où l’écriteau « Interdit de servir de l’alcool aux mineurs » n’est accroché au-dessus des bouteilles qu’à des fins de déco – elle a le visage crispé dans un inextinguible sourire comme si les molécules d’un gaz hilarant s’étaient emparées des muscles de sa mâchoire tandis que tous les anges de la désolation punk me sourient depuis un point vague et lumineux par-dessus mon rectangle de boue découpé dans le ciel étoilé – grimaçants ils agitent la tête au rythme d’une musique inaudible sur laquelle tentent de se caler sans y parvenir de multiples coups de pelle plongée dans un mélange de terre argileuse et de gros cailloux… Énorme pression au niveau de l’abdomen préfigurant une irrésistible envie d’exploser de rire à en crever – ils me sautent à pieds joints sur le ventre – c’est l’heure d’aller danser ! »
je suis bien deux mètres sous terre, par-dessus l’horizon n’est qu’un rectangle de boue découpé dans un ciel étoilé quand j’aperçois un grand navire au loin sur la Meuse chargé de tous nos morts. Un jour peut-être qu’ils se réincarneront en buissons et le soir même prendront feu et les gaz de tous leurs corps décomposés recomposés parleront la langue de l’éphémère dans un grand pschitt instantané comme l’éclair ou un pétard mouillé dans la nuit de l’Être. Au seuil nihiliste d’un grand cauchemar qui commence… je parle cette drôle de langue et Maurice qui opine de sa tête préraphaélite, l’air songeur…
des drôles très solides – le monde glisse entre les mains des anges de la désolation punk par mottes de boue sur mon cercueil et je les regarde partir des canettes à la main – ils se déhanchent comme des épileptiques en se frappant la tête avec de vieux vinyles… Nous avions seuls la clef de ces parades sauvages. Christelle se colle du rouge à lèvres autour des yeux – Jimmy s’accroche des centaines de cadenas à la ceinture – Annabelle un chiffon imbibé de K2R sur le bas du visage cligne à toute vitesse des paupières dans ma direction – Marc a les pupilles dilatées à la taille de boules de billard et couve un affreux rictus de gosse fou – Fresse jongle avec des haches à découper les poulets en crachant du feu – Maurice assène des coups de poing stroboscopiques au vide – Bastos se perce les oreilles avec des aiguilles à tricoter – Isabelle conduit en état d’ivresse dans un décor de cambrousse et de carcasses de tracteurs plantées en bord d’une route pleine de chats dégoulinant d’huile de moteur et d’insectes affairés à la copulation ou la ponte – nous nous rendons tous les deux dans un bar de village où l’écriteau « Interdit de servir de l’alcool aux mineurs » n’est accroché au-dessus des bouteilles qu’à des fins de déco – elle a le visage crispé dans un inextinguible sourire comme si les molécules d’un gaz hilarant s’étaient emparées des muscles de sa mâchoire tandis que tous les anges de la désolation punk me sourient depuis un point vague et lumineux par-dessus mon rectangle de boue découpé dans le ciel étoilé – grimaçants ils agitent la tête au rythme d’une musique inaudible sur laquelle tentent de se caler sans y parvenir de multiples coups de pelle plongée dans un mélange de terre argileuse et de gros cailloux… Énorme pression au niveau de l’abdomen préfigurant une irrésistible envie d’exploser de rire à en crever – ils me sautent à pieds joints sur le ventre – c’est l’heure d’aller danser ! »
Extrait de Nocturama : textes-rêves & hypnagogies, de G. MAR
À paraître le 14 novembre 2014 aux éditions Le grand os dans la collection poc !
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